Les conséquences de l'un des DÉFAUTS de la PROCÉDURE de licenciement

Les errements de la construction jurisprudentielle
sur l'application de l'article L.122-14-5 du CT, dans sa rédaction issue de la Loi du 18/01/91
 

5 FEVRIER 2003, la Cour de Cassation cède !

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1. LES SALARIES NE DISPOSENT PAS TOUS DES MÊMES DROITS :

 

L'article L.122-14-4 dissocie les sanctions applicables aux employeurs ayant prononcé un licenciement...

irrégulier en la forme (D. I. maximum un mois de salaire),

dénué de cause quant au fond (D. I. minimum six mois de salaire plus remboursement des indemnités de chômage dans la limite de six mois) ;

l'article L.122-14-5 précise que le texte précédent n'est pas applicable aux licenciements affectant les salariés ayant moins de deux ans d'ancienneté dans une entreprise ou bien, et quelle que soit alors leur ancienneté, travaillant dans une entreprise comptant moins de onze salariés.

La justification de la différence de traitement résultait du souci du législateur de mettre les petites entreprises à l'abri de trop lourdes charges :

  • lorsque l'entreprise atteint une taille " minimale ", la Loi fixe le montant " minimum " de la réparation du préjudice présumé ;
  • dans les autres cas et/ou lorsque la relation contractuelle est peu ancienne, la Loi laisse au juge le soin d'apprécier la réparation allouable sur le principe commun de la responsabilité civile.

Il convient de noter que la cour de Cassation a confirmé que le préjudice pouvait être caractérisé tant par l'aspect abusif du congédiement, que par la violation de la procédure applicable ;

c'est ainsi qu'ont été validées les décisions condamnant cumulativement au paiement : d'une indemnité pour licenciement privé de motif plus une indemnité pour non-respect de la procédure (CASS. Soc. 19/12/91 Mme Beudy c/ Mme Perez).

Bien entendu, ces décisions s'inscrivaient dans le contexte exclusif de l'article L.122-14-5, puisque l'article L.122-14-4 porte en lui-même le principe de non-cumul entre les divers D. I. éventuellement attribuables à un salarié.

Voulant souligner l'importance de la mission du conseiller du salarié, le législateur a souhaité mettre sur le même pied toutes les entreprises, face à la sanction concernant spécifiquement l'une des irrégularités de procédure ;

c'est ainsi que la Loi du 18/1/91 a introduit, dans l'article L.122-14-5, une nouvelle disposition ayant pour objet (par " exception ") de mettre dans le champ de l'article L.122-14-4 le non-respect du deuxième alinéa de l'article L.122-14 relatif à l'assistance du salarié

Dans sa circulaire du 5/9/91, le ministère du Travail exposait que son intention originelle se situait dans le seul cadre de la procédure ;

or, n'ayant pas su ou voulu voir l'amplitude des possibilités d'interprétation de sa rédaction, le législateur a semé un élément de confusion !

En effet, la cour de Cassation dans ses arrêts du 19/7/95 (Soc. n°3343 P, F : Latoni c/Boiraux) et du 13/11/96 (Soc. 4516 P+B : Thépault c/Brovedani) a invoqué une " COMBINAISON " des articles L.122-14 alinéa 2, L.122-14-4 et L.122-14-5 alinéa 1 pour aboutir à la nécessité d'allouer... " une indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois " ;

alors que, selon les faits rapportés, les salariés concernés avaient moins de deux ans d'ancienneté.

Ainsi cette seule violation du droit d'assistance provoque une translation de la sanction applicable ;

en effet, prenant pour base la controverse née sur la forme du licenciement puis relevant l'inexistence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la Cour de cassation conclut que le non-respect des dispositions relatives à l'assistance entraîne l'application de " toutes " les dispositions (sanctions) de l'article L.122-14-4... c'est-à-dire cumul du minimum des 6 derniers mois de salaires plus remboursement ASSEDIC encore 6 mois !

Le pointillisme de la cour de Cassation a l'apparence d'une analyse littérale, mais cet article L.122-14-4, auquel nous sommes précédemment renvoyés, présente une ALTERNATIVE
et, dans ce contexte, on ne peut qu'éprouver des difficultés à admettre que :

" si " l'espèce envisagée relève de la première branche, la condamnation puisse être prononcée en s'appuyant...

sur l'autre branche de l'alternative.

A titre anecdotique, il convient d'observer que la nouvelle application de l'article L.122-14-4 aux salariés ayant moins de six mois d'ancienneté présente une particularité : " l'indemnité ne pouvant être inférieure aux salaires des six derniers mois " mais " pouvant " tout autant être alors limitée au maximum de la rémunération réellement perçue ;

exemple pour 4 mois d'ancienneté dont 15 jours de maladie : la sanction peut être légitimement limitée aux seuls 3,5 mois constituant le montant global des salaires effectifs " des 6 derniers mois ".

 

Les lignes précédentes datent d'une chronique écrite en 1996... et depuis, dans un arrêt du 18/12/2000, la Cour de cassation a rectifié le sens global de ses décisions antérieures :

"...attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié, pendant les six derniers mois précédant son licenciement, n'avait été au service de son employeur que pendant une période inférieure à six mois, lui a alloué une indemnité égale à l'intégralité du salaire perçu pendant cette période ; qu'elle a ainsi fait une exacte application des dispositions légales..."

Cass. Soc. 18/12/2000 M. GANTOIS c/Entreprise EIGS-Basquin David n°98-41.740 p + B

 
   

Enfin, signalons que certains visent à étendre ce barème de sanction aux litiges nés dans le cadre d'une imputabilité de rupture où, de fait, l'employeur n'envisageait pas de licencier… et ne pouvait donc en aucune façon souligner le droit d'assistance du salarié !

Là encore, nous nous inscrivons à contresens de ce mode de pensée à partir des éléments ci-dessous...

 
2. L'ORIGINE DES DISPOSITIONS LÉGALES  

  1. rapport n° 1324 Assemblée Nationale (séance du 03/05/90 neuvième législature) :
    1. page 12 " …la proposition de loi de M. Louis Mermaz comporte une disposition visant à fixer un délai minimum raisonnable entre la réception de la lettre de convocation et l’entretien préalable.

      A cette obligation nouvelle pour l’employeur, reprise par l’article 2 du texte qui vous est soumis, votre rapporteur a estimé opportun d’en ajouter une seconde qui concerne le contenu de la lettre de convocation à l’entretien préalable, lorsqu’il n’y a pas d’institutions représentatives du personnel dans l’entreprise. Le paragraphe I de l’article 30 de la loi du 2 août 1989 a prévu que mention devait alors être faite dans cette lettre de la faculté de faire appel à l’assistance à une personne extérieure à l’entreprise. En pratique, cette mention ne se révèle pas suffisante car on constate que les salariés ne savent pas toujours où se rendre pour consulter la liste des personnes susceptibles de leur apporter cette assistance. Aussi est-il proposé de faire obligation à l’employeur de mentionner également l’adresse des services où la liste de ces personnes est tenue à la disposition des salariés.

      Votre rapporteur a en outre jugé souhaitable de prévoir dans l’article 3 du texte qui vous est soumis une sanction du non… " (bas de page)

      page 13…respect par l’employeur des prescriptions relatives au contenu de la lettre de convocation à l’entretien préalable. Cette sanction sera celle de la procédure irrégulière de licenciement prévu en principe par l’article L. 122-14-4 du code du travail pour les entreprises de onze salariés et plus et pour les salariés ayant au moins deux ans d’ancienneté. Elle comporte en particulier le versement au salarié victime de l’irrégularité de procédure d'une indemnité correspondant à un mois de salaire. Pour l’application de cette sanction dans le cas présent, votre rapporteur propose qu’il soit dérogé aux règles concernant l’effectif minimum de l’entreprise et l’ancienneté du salarié. Une telle dérogation est nécessaire pour que puissent être sanctionnés les chefs d’entreprises dépourvues d’institutions représentatives du personnel qui comptent très fréquemment moins de onze salariés. "

  2. après l’adoption par les députés, le Sénat a voté la suppression par l’adoption d’un amendement le 02/10/90 puis le dernier mot est revenu, en seconde lecture, à l’Assemblée Nationale… lors d’un vote sans débat ! et c’est là qu’est donc née la formulation hasardeuse de ce que les commentateurs nomment l’exception apportée à l’exclusion (L.122-14-5).

 

  1. la clarté des intentions du rapporteur a toutefois facilité l’élaboration de la circulaire ministérielle n° 91/16, mise en gestation pendant près de neuf mois ;

    en effet, la section 2.3.2 de ce texte ministériel expliquele conseil de prud’hommes devra imposer à l’employeur d’accomplir la procédure prévue et accorder au salarié, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne pourra pas être supérieure à un mois ".

 
   
3. LA RÉFUTATION  

Vu l’article 6.1 de la convention européenne des droits de l’homme et de la sauvegarde des libertés fondamentales,

vu les articles 30 du NCPC et 5 du code civil (qui interdit les arrêts de règlement),

le Juge n'a pas le droit de " régler " au-delà de l'espèce sur laquelle il statue ;

il lui est interdit de fixer sa position, à l'occasion d'une affaire, pour toutes celles qu'il aura à trancher par la suite. Il ne peut se lier pour l'avenir.

Le principe de la chose jugée, n'a d'autorité que par rapport à une décision rendue entre les parties au procès.

Il résulte des deux principes rappelés ci-dessus que le Juge n'est pas tenu de se conformer à la jurisprudence, si bien assise qu'elle soit ;

l'indépendance et l'impartialité du Juge qui tranche un litige selon la règle de droit, au cas par cas, s'opposent à ce qu'on lui impose une solution dégagée dans une autre affaire, même si apparemment elle semble identique.

La jurisprudence joue parfois un rôle créateur, ceci ne signifie pas que les juges doivent impérativement la suivre, la jurisprudence ne peut pas être considérée comme une source de droit, stricto sensu ;

la jurisprudence apparaît en fait comme une solution suggérée par un ensemble de décisions suffisamment concordantes, rendues par l'ensemble des juridictions sur une question de droit à un moment donné. Le "moment donné" donc l'époque différente peut, notamment, expliquer les revirements successifs de la jurisprudence sur un même sujet.

 

Hier, il ne nous pararaissait pas opportun de mettre chapeau bas devant l’effort de créativité d’une espèce d’Autorité Judiciaire, car le produit d’un amalgame entre deux articles du code du travail était manifestement contraire à la volonté explicite du législateur ! aujourd'hui...

5 FEVRIER 2003, la Cour de Cassation cède !

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