L'essai  
   
1. LA PERIODE D'ESSAI NE SE PRESUME PAS  

Excepté le contrat d'apprentissage, la période d'essai n'est jamais le résultat d'une disposition législative et ne se présume donc pas ; c'est ce que la Cour de cassation a maintes fois confirmé.

La preuve de l'existence d'une période probatoire doit être apportée par la partie qui s'en prévaut, c'est-à-dire le plus fréquemment par l'employeur.

 
   
2. PREUVE DE LA PERIODE D'ESSAI  

La rédaction même du contrat de travail peut inclure une disposition relative à la période d'essai.

L'existence d'une période d'essai peut également résulter de la convention collective ;

 
mais, dans ce cas, la Cour de cassation considère que : " le seul fait que la convention collective prévoit une période d'essai ne suffit pas à apporter la preuve qu'elle ait été convenue en l'espèce " (Cass. soc. 27/04/82 ; Cass. soc. 18/03/92 CRJIA c/ Petit).  
Donc, si les parties entendent appliquer à leur relation des stipulations relatives à la période d'essai, elles doivent s'y référer très explicitement dans le contrat de travail, sinon le juge en déduira la volonté de conclure définitivement dès l'origine :  
lorsque la convention collective ne prévoit la période d'essai que comme une simple faculté laissée à l'appréciation des parties  
ou encore lorsque l'employeur aura méconnu certaines formalités imposées par la convention, par exemple la rédaction d'un écrit.  
La Cour de cassation a eu l'occasion de réaffirmer cette règle en présence d'une stipulation prévoyant que tout engagement serait confirmé par une lettre stipulant notamment la durée et les conditions de la période d'essai, elle a considéré que la seule référence faite par le contrat de travail à la convention collective n'était pas suffisamment explicite pour permettre de retenir en l'espèce l'existence d'une période d'essai (Sté Socorev c/ Tzola 4/03/92).  
   
3. DUREE DE L'ESSAI  

a. Fixation initiale
Hormis les cas où la loi intervient (contrat d'apprentissage, contrat à durée déterminée, contrat de VRP), les parties sont libres de fixer la durée de la période d'essai :

 
à condition qu'en cas de dispositions conventionnelles, la durée fixée par celles-ci ne soit pas dépassée et si tel était malgré tout le cas, la clause contractuelle serait sans effet (Cass. soc. 18/03/92, Dehaine c/ Sté Isbat)  
et à condition que la durée retenue ne soit pas excessive eu égard aux fonctions que l'intéressé doit remplir (Cass. soc. 7/01/92, Verber c/ SARL Habitat Services).  
Le point de départ de la période d'essai est la date d'engagement (Cass. soc. 23/02/83), il est judicieux de préciser le jour où se termine l'essai, plutôt que de fixer celle-ci en nombre de semaines ou de mois, ce qui peut prêter à discussion en ce qui concerne la date exacte à laquelle le contrat devient " ferme " ;  
en tout cas, les règles de computation des délais de procédure sont ici écartées par la Cour de cassation : une période d'essai d'un mois commencée le 6 février expire le 5 mars à minuit et non le 6 (Cass. soc. 23/03/83 ; Cass. soc. 21/01/87) et une période d'essai expirant un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé n'est pas prorogée jusqu'au jour ouvrable suivant (Cass. soc. 10/06/92, Sté des Vins de la Graffe c/ Griffon).  
A l'expiration de la période d'essai, le contrat devient définitif sans qu'il soit besoin d'en prendre acte par écrit.  
b. prolongation ou renouvellement  
I) Absences du salarié et prolongation de l'essai  
L'essai ayant pour but de permettre l'appréciation des qualités du salarié, il est tout d'abord loisible à l'employeur, spécialement lorsque l'essai est de courte durée, de le prolonger du temps correspondant à des périodes de suspension du contrat de travail dues par exemple à la maladie, à un accident du travail, à un congé de formation ou à un congé sans solde (Cass. soc. 4/02/88 ; Cass. soc. 18/01/89) ;  
les jours fériés peuvent également être décomptés quand la convention collective prévoit une période d'essai correspondant à un mois de présence (Cass. soc. 18/01/89).  
La Cour de cassation a également neutralisé les jours fériés inclus dans une période d'essai de courte durée, justifiant sa décision dans les termes suivants : " en raison de sa brièveté, la période d'essai doit nécessairement être déterminée en jours ouvrés " (Cass. soc. 25/01/89).  
II) Renouvellement de l'essai  
Il peut arriver aussi qu'au terme de la période d'essai initialement convenue, l'employeur estime que le salarié n'a pas suffisamment fait ses preuves, il lui est en principe possible de prolonger ou de renouveler l'essai, mais sa latitude d'action peut varier en fonction de la convention collective applicable.  
1) La faculté de renouvellement  
a. En l'absence de dispositions conventionnelles relatives à la durée de l'essai, les parties peuvent convenir d'une prolongation ou d'un renouvellement, même si cette éventualité n'a pas été envisagée dès l'origine.
Les limites exposées ci-avant continuent cependant à s'appliquer : la durée globale de l'essai ne doit pas être excessive compte tenu des fonctions exercées (Cass. soc. 28/02/90, Base de loisirs de Jablines c/ Mabileau).
 
b. Lorsque la convention collective fixe la durée de l'essai, mais sans évoquer son renouvellement, la jurisprudence n'admet celui-ci qu'exceptionnellement en tenant compte :  

du contenu des stipulations conventionnelles : le renouvellement est plus facilement admis en présence d'une durée " normale " de l'essai qu'une durée qualifiée de " maximale " et une interdiction implicite de renouvellement a également été déduite du fait que la convention collective ne prévoyait le renouvellement que pour certaines catégories de personnel (Cass. soc. 27/02/80)
des " circonstances exceptionnelles " de nature à justifier le renouvellement de l'essai (Cass. soc. 1/02/78 ; Cass. soc. 15/10/87, où la prolongation est admise sur la base de circonstances tirées de la nature des fonctions exercées et de l'acceptation expresse du salarié).

 
c. La convention collective, enfin, peut évoquer expressément le renouvellement de la période d'essai, soit pour l'interdire, soit pour l'autoriser, soit encore pour l'autoriser à certaines conditions : il doit alors être tenu le plus grand compte de ces précisions ; lorsque la convention collective applicable n'admet le renouvellement qu'à la condition que le salarié en fasse lui-même la demande par écrit, il ne saurait être suppléé à cette formalité par la signature du salarié sur une lettre de l'employeur indiquant que, d'un commun accord, la période d'essai était renouvelée (Cass. soc. 18/03/92, Le Coguic c/ Sté Office d'annonces).  
2) Les modalités du renouvellement
En règle générale :
 

le renouvellement doit être notifié au salarié avant la fin de la période initiale et ne peut être décidé depuis le début des relations contractuelles (Cass. soc. 31/10/89).
il implique l'accord du salarié qui ne peut se déduire de la seule poursuite de son travail (Cass. soc. 23/03/89, Richart Luna c/ SARL Decobarna ; Cass. soc. 7/02/90, AW c/ Sté Paris Centre Voyages).

 
c. CAS PARTICULIERS  
I) Salariés sous contrat à durée déterminée  
Une période d'essai peut être introduite dans un CDD (art. L.122-3-2 du CT) et celui-ci étant obligatoirement conclu en la forme écrit, la période d'essai n'a d'existence que si elle y est expressément mentionnée (Cass. soc. 18/11/87).
Sa durée maximale, sauf usages ou dispositions plus favorables au salarié, est fixée à :
un jour ouvré par semaine de travail, dans la limite de deux semaines, pour un contrat dont la durée, de date à date, ou la durée minimale est inférieure ou égale à 6 mois ;
un mois pour un contrat dont la durée, de date à date, ou la durée minimale, est supérieure à 6 mois.
En aucun cas, la période d'essai ne peut être renouvelée dans le cadre d'un CDD.
 
II) Salariés à temps partiel  
Les périodes d'essai des salariés à temps partiel ne peuvent avoir une durée calendaire supérieure à celle des salariés à temps complet (art. L.212-4-2 du CT).  
   
4. RUPTURE DE L'ESSAI  
a. PRINCIPE : LIBERTE DE ROMPRE  
Sauf dispositions conventionnelles contraires, la rupture ne donne lieu à aucune procédure, à aucun préavis, à aucune indemnité et peut être signifiée verbalement au cours de la période d'essai, voire le dernier jour de celle-ci, sans qu'un motif ait à être donné (Cass. soc. 20/03/85 ; 22/06/88).  
b. EXCEPTIONS
 
I) Salariés protégés  
S'il a été jugé que les règles protectrices pouvaient être écartées en période d'essai, à propos d'une femme enceinte (Cass. soc. 8/11/83), l'art. L. 122-25 du CT interdit à l'employeur de prendre en considération l'état de grossesse d'une salariée pour mettre un terme à l'essai.  
Si rien n'interdit de mettre un terme à la période d'essai alors que le salarié se trouve en arrêt de maladie, le statut protecteur s'applique lorsque l'arrêt est dû à un accident du travail ;  
la Cour de cassation considère en effet que " en l'absence de faute grave ou de l'impossibilité pour l'employeur de maintenir ledit contrat, la résiliation pendant la période de suspension provoquée par un accident de travail est nulle, quand bien même elle interviendrait pendant la période d'essai " (Cass. soc. 19/04/89 ; Cass. soc. 5/06/90).  
II) Abus du droit de rompre  
La liberté qui caractérise la rupture en période d'essai ne signifie pas que l'exercice de ce droit ne soit pas susceptible d'abus et la jurisprudence sanctionne les employeurs lorsqu'il apparaît que la rupture est due à des circonstances sans rapport avec l'exécution du travail :
 
la salariée avait annoncé son prochain mariage (Cass. soc. 17/03/71) ;  
la personne qui devait être remplacée par l'intéressé n'avait pas libéré son poste (Cass. soc. 25/03/85) ;  
la salariée avait sollicité des éclaircissements sur sa situation dans l'entreprise (Cass. soc. 7/01/88) ;  
la salariée avait indiqué dans sa lettre d'acceptation de la prolongation de l'essai, que cette façon de procéder créait un sentiment d'insécurité (Cass. soc. 20/04/89) ;  
l'employeur connaissait dès le départ le motif qui le conduirait à mettre fin à l'essai et avait néanmoins laissé celui-ci commencer (connaissance de la situation d'interdit bancaire pour un employé de banque) (Cass. soc. 27/11/90).