Le pouvoir disciplinaire  
SANCTION DISCIPLINAIRE ET MODIFICATION DU CONTRAT DE TRAVAIL
 

La sanction qui constitue une modification du contrat de travail ne peut pas être imposée au salarié. ; en cas de refus, l'employeur peut prononcer une autre sanction.

Il est admis de longue date par la jurisprudence que la rétrogradation, qui s'accompagne généralement d'une réduction de la rémunération du salarié, constitue une sanction disciplinaire licite ;

il reste que cette sanction s'analyse en une modification du contrat de travail et qu'elle peut, à cet égard, susciter une réaction du salarié.

 

Il a déjà été admis que le salarié ne pouvait refuser une telle sanction que s'il s'avérait qu'elle n'était pas justifiée ou qu'elle était disproportionnée à la faute commise ;
dans le cas contraire, le salarié devait accepter la sanction, tout refus étant alors constitutif de cause réelle et sérieuse de licenciement, voire de faute grave privative des indemnités de licenciement (Cass. Soc. 07/04/93 ; 30/04/97 Affagard c/SA Iropa ; 19/11/97 Sté Suisse d'assurances générales sur la vie humaine c/Fayet).

 
Puis la Cour de cassation a considéré " qu'une modification du contrat de travail, prononcée à titre de sanction disciplinaire contre un salarié, ne peut lui être imposée ;
que, cependant, en cas de refus du salarié, l'employeur peut, dans le cadre de son pouvoir disciplinaire, prononcer une autre sanction, au lieu et place de la sanction refusée
".
 
Toute sanction constitutive de modification du contrat de travail a ainsi semblé pouvoir être refusée par le salarié toute sanction ! pas seulement celle qui serait injustifiée.
 

Toutefois, l'employeur n'était pas pour autant dépossédé de son pouvoir disciplinaire, puisqu'il pouvait substituer à la sanction refusée une autre sanction ;

exemple : Cass. Soc. 16/06/98,Sté Hôtel Le Berry c/Mme Khouhli n° 3414 P

 
Dans ce litige, la mesure prise était une rétrogradation : elle avait été prononcée à l'encontre d'une directrice d'hôtel que l'employeur avait, à titre disciplinaire, rétrogradée dans l'emploi de "chef de réception" ; l'intéressée ayant refusé cette modification de son contrat de travail, elle avait été licenciée par l'employeur.
 
La Cour d'appel de Bourges avait condamné l'employeur à payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les juges avaient estimé que la rétrogradation prononcée, après un entretien préalable et au motif de griefs constitutifs de fautes, constituait une sanction, et que l'employeur en la prononçant avait épuisé son pouvoir disciplinaire, qu'il ne pouvait donc invoquer les mêmes faits à l'appui d'un licenciement.
 
Il est de règle, en effet, en matière disciplinaire, qu'une même faute ne peut pas être sanctionnée deux fois.
 
En écartant ce raisonnement au profit de la position de principe énoncée ci-dessus, la Cour de cassation décide, avec l'arrêt du 16 juin 1998, de parfaire la construction jurisprudentielle qu'elle a récemment élaborée à propos de la modification du contrat de travail (Cass. Soc. 10/07/96) : si l'employeur est maître des conditions de travail de ses salariés, il est tenu par les contrats de travail ;
 
toute modification de ceux-ci suppose l'accord du salarié, le domaine disciplinaire ne faisant pas exception à la règle. Cette solution était annoncée par un autre arrêt de la Cour de cassation admettant, sans se préoccuper du bien-fondé de la mesure prise, qu'un salarié est en droit de refuser une modification de son contrat, assimilable à une rétrogradation, qui limite ses fonctions à la direction commerciale de l'entreprise (Cass. Soc. 19/05/98, Sté Armoricaine d'Investissements c/Quesnel).
 
L'employeur qui se heurte à un refus du salarié d'accepter la sanction constitutive de modification du contrat de travail peut prononcer une autre sanction, par exemple un licenciement et, si c'est cette solution qui est choisie, il conviendra bien entendu d'observer scrupuleusement la procédure qui s'impose en matière de licenciement, et notamment de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable (Cass. Soc. 20/02/91) ;
 
Il n'est pas sûr, toutefois, que les griefs invoqués à l'appui de la première sanction prononcée suffiront à justifier le licenciement… c'est en effet la faute initiale, et non plus - comme dans la jurisprudence antérieure - le refus du salarié de se soumettre à une sanction justifiée, qui motive le licenciement et cette faute, en tout cas, ne pourra pas être qualifiée de grave, l'employeur ayant initialement estimé qu'elle n'était pas un obstacle absolu à la présence du salarié dans l'entreprise.
 
Avec cette nouvelle jurisprudence, on popuvait croire que la rétrogradation risquait de devenir une sanction peu utilisée car, plutôt que de s'exposer à un refus du salarié, les employeurs finiraient par préférer se placer d'emblée sur le terrain du licenciement simple, voire sur celui du licenciement pour faute grave.
 

Et voici que la Cour de Cassation revient sur le sujet :

Chambre sociale arrêt du 11 février 2009 n° 06-45897

Un directeur commercial refusait sa rétrogradation au poste de délégué commercial, proposée à titre de sanction pour des fautes qui lui étaient reprochées.
 
A la suite de ce refus, l'employeur le licenciait pour faute grave.
 
Le salarié souhaitait faire annuler cette sanction notamment au motif que la faute grave est celle qui justifie la cessation immédiate du contrat de travail et qu'en proposant une rétrogradation l'employeur avait envisagé la poursuite de cette relation.
 
La Cour de cassation ne suit pas le raisonnement du salarié :
« mais attendu qu'une modification du contrat de travail ne pouvant être imposée au salarié, l'employeur qui se heurte au refus d'une mesure de rétrogradation impliquant une modification du contrat de travail, peut, dans l'exercice de son pouvoir disciplinaire, prononcer ! une autre sanction, y compris un licenciement pour faute grave au lieu et place de la sanction refusée »