Circulaire DRT n° 17/88 du 24 août 1988

 

Le décret n° 88-889 du 22 août 1988 paru au Journal Officiel du 24 août 1988 a pour objet de modifier et de compléter l’article R.143-2 du Code du travail relatif au bulletin de paie. Il entrera en vigueur en même temps que l’article 10 de la loi n° 86-966 du 18 août 1986, le 1er janvier 1989.

La présente circulaire est destinée à apporter des précisions sur les nouvelles dispositions introduites par le décret, lesquelles portent essentiellement sur :

 

1. - La situation conventionnelle du salarié

Il est apparu nécessaire de faire désormais figurer sur le bulletin de paie remis au salarié deux informations supplémentaires, de nature à lui permettre de mieux se situer au regard des dispositions conventionnelles qui lui sont applicables. Il s’agit d’une part de la mention de la convention collective de branche, d’autre part de sa position dans la classification conventionnelle.

1.1. L’intitulé de la convention collective de branche

L’expression retenue par le décret est prise dans son acception commune de dispositif conventionnel applicable dans une branche, que celui-ci soit composé d’une ou plusieurs conventions collectives ou d’accords professionnels.

Toutefois, il ne s’agit pas de faire figurer sur le bulletin de paie une information exhaustive sur l’ensemble du dispositif conventionnel applicable qui, en dehors des conventions collectives proprement dites - textes traitant de l’ensemble des conditions d’emploi et de travail des salariés et de leurs garanties sociales - peut être constitué d’accords professionnels traitant seulement d’un ou plusieurs sujets déterminés dans cet ensemble.

L’obligation d’affichage des textes conventionnels dans les établissements répond d’ailleurs au besoin d’une information plus complète.

Il convient ici de fournir une information générale, synthétique et adaptée à la situation individuelle des salariés de l’entreprise, qui reflète par les éléments clés le dispositif conventionnel de branche applicable.

Le contenu de cette information, en tout état de cause, doit recouvrir les mentions relatives au champ d’application professionnel, territorial et, si besoin est, catégoriel. En règle générale, ces mentions figurent dans l’intitulé du texte de base.

Plusieurs situations doivent être distinguées :

1.1.1. La branche est couverte par un dispositif conventionnel structuré autour d’une seule convention collective nationale, texte de base formant un tout, modifiée et complétée le cas échéant par des avenants locaux et des accords professionnels. C’est le cas le plus courant.

La seule mention de l’intitulé du texte de base de la branche est alors conforme à l’obligation réglementaire, par exemple, "  convention collective nationale du commerce et de la réparation de l’automobile, du cycle et motocycle et activités connexes " .

1.1.2. La situation de la branche se caractérise par la superposition de deux conventions collectives distinctes de niveaux différents, par exemple une convention nationale et une convention infranationale (régionale, départementale ou locale).

Dans ce cas, relativement rare, la mention des conventions collectives concernées doit figurer sur le bulletin de paie.

1.1.3. Lorsque le statut conventionnel résulte non pas d’une convention collective, mais d’un ou plusieurs accords professionnels, cet accord ou cet ensemble d’accords tient lieu de dispositif conventionnel, et il est donc nécessaire d’inscrire une mention sur le bulletin de paie indiquant leur existence. Il n’est, bien évidemment, pas envisageable de faire figurer sur le bulletin de paie l’intitulé de chacun des accords.

Le secteur des entreprises de travail temporaire illustre ce cas de figure. Il n’est pas possible d’exiger le signalement de la quinzaine d’accords signés dans cette branche et en conséquence la mention générique "  accords nationaux des entreprises de travail temporaire personnels permanents/ou personnel intérimaire "  est considérée comme conforme à l’obligation réglementaire.

1.1.4. Le dispositif conventionnel est constitué d’un ensemble particulièrement complexe associant une ou plusieurs conventions collectives de niveaux différents et des accords professionnels.

Dans ce cas et conformément à la lettre du texte, il convient de mentionner seulement la ou les conventions collectives proprement dites qui constituent la base de ce dispositif conventionnel.

Plusieurs branches peuvent être concernées, notamment :

la métallurgie où l’on trouve à la fois une convention collective nationale catégorielle, des accords nationaux professionnels et des conventions collectives infranationales.

Pour les cadres, la base du dispositif conventionnel étant la convention collective nationale, c’est cette mention qui doit figurer sur le bulletin de paie.

Pour les autres catégories, la seule mention exigée est celle de la convention collective infranationale, par exemple "  convention collective ouvriers-ETAM du département du Rhône " .

Le secteur du bâtiment et des travaux publics est l’exemple type du secteur où se juxtaposent des conventions collectives nationales catégorielles, un accord national professionnel pour les ouvriers qui traite de l’ensemble des thèmes d’une convention collective et en a donc la valeur, des conventions collectives régionales ou départementales et enfin des accords régionaux sur les salaires, souvent catégoriels, et dans un certain nombre de cas communs aux secteurs Bâtiment et Travaux publics.

S’agissant des ouvriers, la mention de l’accord national professionnel "  ouvriers du bâtiment "  s’impose ainsi que celle de la convention régionale ou départementale éventuellement applicable.

Pour les autres catégories, l’intitulé des différentes conventions collectives (nationales ou infranationales) doit également figurer.

En revanche, la mention des accords régionaux salariaux n’apparaît pas justifiée.

Les hôtels, cafés, restaurants présentent une structure conventionnelle composée d’accords nationaux professionnels, de conventions collectives nationales ne couvrant pas l’ensemble du champ professionnel et de conventions collectives infranationales ne couvrant pas l’ensemble du territoire national.

Lorsqu’une convention collective s’applique, qu’il s’agisse d’une convention nationale ou d’une convention infranationale, seule sa mention est portée sur le bulletin de paie.

En revanche, en l’absence de toute convention collective et conformément aux principes évoqués ci-dessus, il convient de faire référence à l’accord ou aux accords professionnels.

1.2. La position du salarié dans la classification conventionnelle qui lui est applicable Cette mention, introduite par le décret, complète l’indication de l’emploi.

On rappellera d’abord, pour mémoire, qu’il convient de faire figurer sous le terme générique d’emploi l’appellation courante sous laquelle sont reconnues les fonctions exercées par le salarié. L’emploi peut correspondre à l’exercice d’un métier dont la définition figure dans le système de classification. "  Le monteur couleur "  désigne l’un des emplois décrits dans l’annexe classification des ouvriers de la convention collective des imprimeries de labeur. Mais il peut s’agir d’appellations spécifiques propres à l’entreprise pour décrire des attributions particulières ou un type de fonctions comme par exemple "  Responsable ou Directeur des services informatiques " .

L’indication de la position du salarié dans la classification a un double objet. D’une part, elle doit lui permettre de se situer dans la hiérarchie définie par la classification. D’autre part, elle constitue un élément de contrôle des salaires minima correspondants.

Le terme de "  position "  a été retenu volontairement parce qu’il recouvre toutes les références susceptibles d’être employées dans chacun des systèmes de classification, pour traduire l’échelonnement hiérarchique : position, niveau, groupe, catégorie, coefficient. Devra donc figurer sur le bulletin de paie la mention de celles de ces références qui répondent aux exigences définies ci-dessus. Ainsi, la mention de l’emploi de "  monteur couleur "  doit être complétée de l’indication du coefficient 125. Mais à d’autres systèmes de classifications correspondent des références différentes. Par exemple, dans la convention collective de la restauration de collectivité, l’emploi de maître d’hôtel figure au niveau ERQ 1 qui correspond à la position de cet emploi dans la classification.

 

2. - Les éléments de rémunération

L’ancien article R.143-2 du Code du travail est, à cet égard, modifié sur plusieurs points :

2.1. L’indication des majorations de salaires attribuées pour d’autres causes que l’accomplissement d’heures supplémentaires ainsi que la nature de la base de calcul du salaire lorsque cette base n’est pas la durée du travail.

Désormais, le bulletin de paie doit comporter :

2.2. Les accessoires de salaire soumis à cotisations

L’utilisation de cette expression générique qui remplace "  les primes " , est destinée à faire apparaître de façon plus complète les différents éléments qui composent la rémunération du salarié et constituent l’assiette de cotisations sociales. En règle générale, toutes les sommes versées aux salariés, dont l’exclusion de l’assiette n’est pas expressément prévue par un texte, sont soumises aux cotisations sociales en application de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale.

Il n’est pas possible de dresser une liste exhaustive de tous les accessoires de salaires susceptibles d’être versés aux salariés tels qu’ils sont définis par la jurisprudence et décrits par les circulaires ministérielles. A titre indicatif, on peut citer :

2.3. Les sommes s’ajoutant à la rémunération et non soumises à cotisations

Pour l’essentiel, il s’agit des sommes constituant des remboursements de frais professionnels : frais de transport, indemnités de panier, de repas, de grand déplacement (logement et nourriture), d’outillage, frais d’atelier pour les travailleurs à domicile... etc., dans les limites fixées par les arrêtés pris à cet effet.

 

3. - La mention des cotisations patronales de Sécurité sociale

Cette mention a été rendue obligatoire par l’article 10 de la loi du 18 août qui a entendu développer l’information des salariés en imposant que soient portés à leur connaissance la nature et le montant des cotisations patronales de Sécurité sociale. Cette mention est désormais prévue par l’article R.143-2, 9o du Code du travail.

3.1. La nature des cotisations

Compte tenu des termes de la loi précitée, il s’agit des cotisations dues, en application d’une disposition législative, réglementaire ou conventionnelle, aux régimes de Sécurité sociale auxquels sont affiliés les salariés en raison de l’activité qu’ils exercent et dont le financement est assuré avec la participation de l’employeur.

Sont ainsi visées :

3.1.1. - Les cotisations versées aux régimes de base

Il s’agit du régime général des salariés de l’industrie et du commerce, du régime des assurances sociales agricoles et des régimes spéciaux dont les ressortissants relèvent du champ d’application du Code du travail (à titre d’exemple : régimes des clercs et employés de notaire, des mines, de la compagnie générale des eaux, du crédit foncier...). Les cotisations à mentionner sont celles qui correspondent aux risques relevant de l’organisation de la Sécurité sociale : maladie, maternité, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles, vieillesse, veuvage, prestations familiales.

Cette liste est limitative : il n’y a donc pas d’obligation pour l’employeur de mentionner les autres cotisations patronales, telles celles qui sont versées au titre de l’assurance chômage, du logement et de la construction, de la formation professionnelle, de l’apprentissage ou des transports.

3.1.2. - Les cotisations versées aux régimes complémentaires de retraite et de prévoyance

L’assujettissement à ces régimes a pu être prévu par une loi, un règlement ou une disposition conventionnelle (accord national interprofessionnel, convention collective de branche ou accord d’entreprise), en complément de la protection sociale garantie par les régimes de base et principalement en matière de maladie, invalidité, décès et vieillesse.

Dans la mesure où la mention n’est obligatoire qu’en cas de participation de l’employeur, doivent être exclues les cotisations volontaires versées par le salarié seul, soit à certains régimes collectifs à adhésion facultative, soit au titre de contrats individuels souscrits à son initiative personnelle.

En revanche, sont à inclure les cotisations afférentes à un contrat de groupe souscrit par une entreprise auprès d’un groupement mutualiste dès lors qu’il y a participation de l’employeur et que ce contrat de groupe a une base conventionnelle.

Concrètement, devront figurer :

      1. pour les régimes de retraite, les cotisations versées :

      1. pour les régimes de prévoyance, les cotisations versées aux régimes résultant d’obligations conventionnelles de branche ou d’entreprise, ou mis en place selon la procédure prévue à l’article R.731-8 du Code de la sécurité sociale (référendum), quel que soit l’organisme assureur :

3.2. Le montant des cotisations patronales

Les cotisations patronales doivent être mentionnées distinctement des cotisations salariales. Comme celles-ci, elles doivent être détaillées risque par risque.

Pour certaines catégories professionnelles, les cotisations de Sécurité sociale, salariales et patronales, peuvent être acquittées sur une assiette forfaitaire fixée par arrêté (notamment pour les travailleurs occasionnels agricoles, les salariés des hôtels, cafés, bars et restaurants, des entreprises de formation professionnelle, des centres aérés et colonies de vacances agréées, des associations sportives de jeunesse ou d’éducation populaire agréées...).

Dans ce cas, doivent être mentionnés :

 

4. - La grève et les heures de représentation du personnel

Pour tenir compte d’une demande de la Commission nationale de l’Informatique et des Libertés faisant état de difficultés rencontrées par des salariés invités à produire leur bulletin de paie au cours de démarches privées (demandes de crédit, de logement...), le décret précise, dans son article 2, qu’aucune mention relative à l’exercice du droit de grève ou à l’activité de représentation des salariés ne doit figurer sur le bulletin de paie.

4.1. L’exercice du droit de grève

La participation à une grève était jusqu’à présent identifiable sur le bulletin de paie par la mention du motif des retenues auxquelles elle avait donné lieu.

Il convient donc désormais d’indiquer le montant des retenues effectuées sans préciser leur origine exacte mais en utilisant une expression neutre telle que "  absence non rémunérée " .

4.2. Les heures de représentation du personnel

Comme vous le savez, elles sont, en application des articles L.412-20, L.424-1 et L.434-1 du Code du travail, "  considérées comme temps de travail et payées à l’échéance normale " .

S’agissant de leur rémunération et de son incidence sur le contenu du bulletin de paie, deux hypothèses sont à distinguer :

4.2.1. - Les heures de représentation sont prises sur l’horaire de travail légal ou conventionnel

Dans ce cas, elles sont intégrées dans la durée du travail et ne doivent donc pas être distinguées des autres heures de travail effectif, ni en terme de durée du travail ni en terme de rémunération.

4.2.2. - Les heures de représentation sont prises en dehors de la durée du travail légale ou conventionnelle

Payées comme temps de travail, elles ne doivent pas non plus être identifiables sur le bulletin de paie.

Il convient en conséquence de comptabiliser ces heures mais sans préciser leur origine exacte et en les incluant dans une rubrique générale telle que "  autres heures " .

Cette pratique ne doit pas poser de problème en matière de contrôle de la rémunération que ce soit par le salarié lui-même, les inspecteurs du travail, les services fiscaux ou les URSSAF puisque le décret prévoit la rédaction obligatoire, par l’employeur, d’une fiche annexée au bulletin de paie qui a la même valeur juridique que celui-ci et qui fournit toutes les informations nécessaires.

Cette fiche permettra de préciser le contenu de la rubrique "  autres heures "  et notamment d’identifier les heures de délégation et de les distinguer des heures indemnisées à d’autre titre telles que les heures de pause ou d’astreinte.

Il est à noter que cette fiche peut regrouper l’information sur les heures de représentation avec celle prévue à l’article D.212-11 du Code du travail sur le repos compensateur.

4.3. Cas où le bulletin de paie fait l’objet d’une codification

L’utilisation de plus en plus courante des moyens informatiques dans les entreprises amène celles-ci à transcrire les mentions du bulletin de paie sous la forme d’une codification chiffrée. Dans ce cas, on peut considérer que les conditions prévues par le deuxième alinéa de l’article R.143-2 nouveau sont remplies dès lors qu’il n’est pas fait mention sur ce bulletin de l’exercice du droit de grève et de l’activité de représentation des salariés, que la codification chiffrée est propre à l’entreprise et connue d’elle seule et du salarié, et qu’une fiche explicative est remise au salarié lui permettant d’identifier les rubriques codifiées et notamment les heures de grève et les heures de représentation du personnel.

 

5. - La mention incitant le salarié à conserver son bulletin de paie

Pour tenir compte d’une demande du Médiateur de la République qui souhaitait notamment que soient prévenues les difficultés rencontrées par des salariés reconstituant leur carrière au moment de partir en retraite, l’article R.143-2 nouveau du Code du travail a prévu dans son troisième alinéa que "  le bulletin de paie doit comporter en caractères apparents une mention incitant le salarié à le conserver sans limitation de durée ".

Cette obligation pourrait être satisfaite, par exemple, par la formule suivante :

" Dans votre intérêt et pour vous aider à faire valoir vos droits, conservez ce bulletin de paie sans limitation de durée. "