La loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps
de travail a largement porté ses fruits au cours des années 2000 et
2001. Plus de 83 000 entreprises, représentant plus de 7 millions de
salariés, sont passées aux 35 heures et ont prévu de préserver ou de
créer près de 365 000 emplois. Cependant, moins de 3 % des très petites
entreprises de 10 salariés et moins, et 11 % des entreprises de 11 à
20 salariés, sont engagées dans un processus de réduction du temps de
travail. Pour ces entreprises de moins de 20 salariés, la nouvelle durée
hebdomadaire légale doit entrer en vigueur au 1 er janvier 2002.
La réduction du temps de travail a constitué, pour les entreprises,
une réelle opportunité d’améliorer leur organisation. Les petites entreprises
ne doivent pas rester à l’écart de ce mouvement : il en va du maintien
de leur attractivité par rapport aux grandes entreprises et de l’égalité
des conditions de travail des salariés.
La réussite de ce passage est une priorité du Gouvernement pour développer
la création d’emplois, réduire le chômage et étendre à tous les salariés
le bénéfice de la réduction du temps de travail.
Au-delà des souplesses déjà inscrites dans la loi, le ministère de
l’emploi et de la solidarité a décidé de nouvelles mesures pour faciliter
et accompagner le passage à 35 heures, dans les entreprises de 20 salariés
et moins.
Afin d’accompagner la réduction du temps de travail dans les petites
entreprises et de les aider à trouver les mesures d’organisation qui
conviennent à leurs spécificités, le dispositif d’appui conseil a d’ores
et déjà été adapté par le décret du 14 juin 2001.
Un décret relatif au contingent d’heures supplémentaires applicable
aux entreprises de 20 salariés et moins aménage des mesures transitoires
relatives à la fixation du contingent d’heures supplémentaires (I).
En outre, il était nécessaire de clarifier les modalités de maintien
des aides aux entreprises ayant réduit le temps de travail, en prenant
en compte leurs difficultés de recrutement ainsi que les difficultés
exceptionnelles qu’elles peuvent rencontrer (II).
I- L’AUGMENTATION DU CONTINGENT D’HEURES SUPPLEMENTAIRES DANS LES
ENTREPRISES DE 20 SALARIES ET MOINS POUR LES ANNEES 2002 ET 2003.
Le décret n°2001-941 du 15 octobre 2001 relatif à la fixation du contingent
d’heures supplémentaires répond au souci de faciliter l’échéance du
1 er janvier 2002 pour les très petites entreprises. Ce texte instaure
de manière provisoire un contingent annuel d’heures supplémentaires
plus élevé que le contingent réglementaire de droit commun.
Ce nouveau dispositif vient compléter les dispositions transitoires
déjà prévues pour les très petites entreprises par la loi du 19 janvier
2000. De plus, son calendrier est en accord avec l’échéancier de la
loi, les règles de droit commun en matière de contingent correspondant
avec la date à partir de laquelle les heures supplémentaires s’imputeront
intégralement sur le contingent.
I-1- Le décret n°2001-941 du 15 octobre 2001 a pour objet de fixer
des dispositions spécifiques transitoires concernant le contingent d’heures
supplémentaires prévu à l’article L.212-6 du code du travail dans les
entreprises de 20 salariés et moins durant les années 2002 et 2003.
I-1-1 - Il convient au préalable de rappeler que des heures supplémentaires
ne peuvent être effectuées au-delà du contingent annuel qu’avec l’autorisation
de l’inspecteur du travail, l’absence de réponse au terme d’un délai
de 15 jours valant autorisation tacite d’acceptation (R212- 11).
Une convention ou un accord collectif de branche étendu peut fixer
un contingent d’un niveau inférieur ou supérieur au contingent réglementaire.
Ce contingent conventionnel détermine le seuil au-delà duquel il est
nécessaire de saisir l’inspecteur du travail pour pouvoir continuer
à faire effectuer des heures supplémentaires. En revanche c’est le contingent
réglementaire qui s’applique, quel que soit par ailleurs le niveau du
contingent conventionnellement adopté, pour la détermination des droits
à repos compensateur obligatoire.
I-1-2. Le décret prévoit l’élévation du contingent pour les entreprises
de 20 salariés au plus selon un calendrier qui s’étend jusqu’en 2004
:
Aussi, l’entrée dans le régime pérenne des heures supplémentaires interviendra-t-elle
au 1 er janvier 2004.
I-1-3. Les entreprises concernées par ce décret sont celles qui sont
soumises à la durée légale au 1 er janvier 2002.
Il s’agit globalement des entreprises de 20 salariés et moins mais
une précision importe pour l’appréciation de cet effectif.
Ce décret renvoie en effet au II de l’article 1 er de la loi du 19
janvier 2000.
Or, ce texte qui se réfère aux articles L.421-1 et L.421-2 du code
du travail conduit à rechercher si au cours des 36 mois précédant le
1 er janvier 2000, l’entreprise a dépassé le seuil de 20 salariés pendant
12 mois consécutifs ou non. Les entreprises de plus de 20 salariés selon
cette définition sont assujetties à la durée légale à 35 heures au 1
er janvier 2000.
A contrario, l’ensemble des entreprises qui n’ont pas atteint plus
de 20 salariés pendant 12 mois consécutifs ou non entre 1997 et le 31
décembre 1999 ont vocation à bénéficier du décret.
Ainsi toutes les entreprises, quel que soit leur effectif, auxquelles
la durée légale n’est applicable qu’au 1 er janvier 2002 sont dans le
champ du décret. Cela peut inclure des entreprises qui dépassent le
seuil de 20 salariés et éventuellement depuis plusieurs mois.
Inversement les entreprises auxquelles la durée légale est applicable
depuis le 1 er janvier 2000 mais qui connaissent une baisse des effectifs
sont écartées du nouveau dispositif. Le décret a en effet pour objectif
de faciliter la mise en place de la réduction du temps de travail pour
les entreprises qui sont concernées par les 35 heures au 1 er janvier
prochain.
I-1-4. Ce décret n’a pas de conséquences sur deux niveaux particuliers
de contingent :
• le contingent réduit de 90 heures en cas de modulation
Lorsque la durée hebdomadaire de travail varie dans le cadre d’une
convention ou d’un accord collectif de modulation conclu en application
de l’article L.212-8 du code du travail, le niveau du contingent réglementaire
reste inchangé : il est de 90 heures par an et par salarié.
Toutefois, lorsque l’accord collectif prévoit une modulation d’amplitude
peu élevée, soit comprise dans une limite inférieure de 31 heures et
une limite supérieure de 39 heures, soit lorsque le volume d’heures
de modulation n’excède pas 70 heures par an et par salarié, ce contingent
réduit ne s’applique pas et le niveau reste fixé à 180 heures par salarié
pour l’année 2002 et 170 heures pour l’année 2003.
• le contingent de 180 heures pour les cadres
Suite à l’annulation du décret n° 2000-82 du 31 janvier 2000 par décision
du 28 mars 2001 du Conseil d'Etat, un contingent devait être déterminé
pour les salariés visés à l'article L 212-15-3 du code du travail et
bénéficiant d'un forfait en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle
ou avec lesquels aucune convention individuelle de forfait n'a été conclue.
Concernant les cadres répondant à la définition posée à l’article L212-15-3
qui n’ont pas conclu de convention individuelle de forfait, le décret
prévoit que, dans la mesure où le régime des heures supplémentaires
applicable à ces salariés n’offre pas de particularités, c’est le contingent
de droit commun qui prévaut.
En revanche, s’agissant
des cadres de l’article L212-15-3 qui ont conclu une convention de forfait
hebdomadaire ou mensuelle, le décret fixe le contingent à 180 heures
compte tenu, d’une part, de la spécificité de l'activité de ces salariés
dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et se caractérise
par une large indépendance, d’autre part, de la contractualisation des
heures supplémentaires qui résulte de la conclusion du forfait.
I-2- Ce décret vient
compléter le dispositif transitoire déjà prévu par la loi du 19 janvier
2000 pour les très petites entreprises.
Le tableau ci-après présente
la portée du nouveau dispositif :
Entreprises
de 20 salariés au plus |
En
2002
|
En
2003
|
En
2004
|
Contingent
annuel d’heures supplémentaires (valant pour le repos compensateur
obligatoire et la demande d’autorisation à l’inspecteur du travail)
|
- 180 heures
(cadres inclus)
- 90 heures
en cas de modulation -
|
170 heures
- 180 pour
les cadres (1)
- 90 heures
en cas de modulation
|
- 130 heures
- 180 pour
les cadres (1)
- 90 heures
en cas de modulation
|
Seuil
de décompte des heures supplémentaires pour le contingent |
- 37 heures
- 1690
heures en cas de modulation
|
- 36 heures
- 1645
heures en cas de modulation
|
- 35 heures
- 1600
heures en cas de modulation
|
Taux
de bonification des 4 premières heures supplémentaires |
10%
|
25%
|
25%
|
(1)
cadres mentionnés à l’article L212-15-3 du code du travail
qui sont régis individuellement par une convention de forfait établie
en heures sur une base hebdomadaire ou mensuelle.
II- LA PRISE EN COMPTE
DES SITUATIONS PARTICULIERES DES PETITES ENTREPRISES DANS LE MAINTIEN
DES AIDES A LA REDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL
Les
lois du 13 juin 1998 et 19 janvier 2000 relatives à la réduction du
temps de travail et leurs textes d’application ont prévu la possibilité
d’un maintien des aides à la réduction du temps de travail lorsque l’entreprise
doit faire face à des situations exceptionnelles. Il revient alors à
l’autorité administrative d’en tenir compte soit dans sa décision relative
à l’aide incitative (Aubry I), soit dans son avis ou son rapport adressé
à l’organisme de recouvrement des cotisations sociales (URSSAF et MSA)
pour ce qui concerne l’allègement de cotisations sociales (Aubry II).
Le décret du 23 février
2000 a précisé le cadre de ce régime de maintien des aides et la circulaire
du 3 mars 2000 (en particulier la fiche n°37) vous a donné les orientations
pratiques pour sa mise en oeuvre.
Afin de prendre en compte
les contraintes des petites entreprises, il est nécessaire de préciser
les modalités de mise en oeuvre des procédures de contrôle des aides.
II-1- Les textes d’application
relatifs à la réduction du temps de travail n’interdisent pas le recours
aux heures supplémentaires et permettent de maintenir le bénéfice des
aides à la réduction du temps de travail en prenant en compte la situation
particulière des entreprises, en particulier des plus petites d’entre
elles.
II-1-1- Les aides et
allègements prévus par les lois relatives à la réduction du temps de
travail impliquent le respect des engagements pris par l’entreprise
en matière de durée du travail. L’article 1 er I du décret n°2000- 150
du 23 février 2000 prévoit ainsi que l’allègement de cotisations sociales
peut être suspendu lorsque le volume d’heures supplémentaires pratiqué
montre que l’organisation du travail dans l’entreprise est établie sur
une base manifestement supérieure à 35 h ou 1 600 heures.
Les textes n’ont donc
par conséquent pas entendu interdire tout recours aux heures supplémentaires
et ménagent la possibilité pour les entreprises d’y recourir sous réserve
que leur organisation du travail ne soit pas établie de manière structurelle
sur la base d’une durée du travail supérieure à 35 heures.
C’est pourquoi il est
rendu possible de maintenir le bénéfice des aides et allègements en
cas de recours aux heures supplémentaires dès lors qu’elles demeurent
exceptionnelles et sont destinées à gérer les à coups dans la charge
de travail. C’est par exemple le cas lorsque l’entreprise doit faire
face à une commande exceptionnelle.
II-1-2- Par ailleurs,
il est également possible, comme le prévoient les textes, de maintenir
les aides en cas de circonstances exceptionnelles.
De telles circonstances
exceptionnelles sont caractérisées en cas d’évènements majeurs conduisant
l’entreprise à revoir son organisation du travail sur une durée supérieure
à 35 heures, sous réserve que soit garanti le retour à l’horaire réduit
dans un délai raisonnable.
Vous avez eu à faire
face par exemple à de telles circonstances dans la filière bois durablement
touchée par les intempéries de l’hiver 1999.
Il en sera de même dans
les mois qui viennent pour les heures supplémentaires effectuées dans
certaines entreprises à l’occasion du passage à l’Euro, en particulier
pour celles du secteur bancaire et de convoyage de fonds.
A cet effet plusieurs
décrets ont été publiés au journal officiel.
II-2- Parmi les justifications
au maintien des aides, vous veillerez à attacher une attention particulière
aux difficultés de recrutement que rencontrent les entreprises, en particulier
les entreprises de 20 salariés et moins.
La mise en place de la
réduction du temps de travail dans les petites entreprises se heurte
parfois aux difficultés de recrutement rencontrées dans certaines activités
et sur certains bassins d’emplois.
Ces difficultés de recrutement
peuvent conduire les entreprises soit à recourir à des heures supplémentaires,
soit à ne pas respecter pour une période déterminée leurs engagements
en terme de création ou de préservation d’emploi.
Les textes réglementaires
permettent la prise en compte de ces difficultés de recrutement afin
de maintenir le bénéfice des aides, alors même que des heures supplémentaires
sont effectuées ou que les engagements en matière d’emploi ne peuvent
être momentanément remplis dans les délais prévus par l’accord ou la
convention conclue avec l’Etat.
Le décret du 23 février
2000 prévoit que l’allègement peut être maintenu lorsque l’entreprise,
ayant déposé ses offres à l’ANPE, justifie de difficultés particulières
de recrutement.
Toutefois, dans un contexte
où les tensions sur le marché du travail sont parfois vives, une procédure
spécifique doit être mise en place pour tenir compte des difficultés
de recrutement rencontrées par les petites entreprises pour lesquelles
il convient d’avoir une appréciation globale du phénomène en lien avec
l’ANPE.
De telles difficultés
sont attestées dans les conventions ou accords qui sont conclus entre
les professions et le service public de l’emploi dans le cadre de la
mise en oeuvre du « plan d’action du SPE pour surmonter les difficultés
de recrutement » qui vous a été transmis par circulaire de la DGEFP
du 7 avril 2000.
Ce peut être le cas aussi
des conventions d’appui et d’accompagnement, conclues avec les professions
au niveau régional, départemental ou d’un bassin d’emploi, prévues par
le décret du 14 juin 2001, lorsqu’elles comportent un volet concernant
le traitement des difficultés de recrutement.
En effet, une démarche
active menée collectivement avec les professions est souvent un moyen
efficace de résoudre les difficultés de recrutement que peuvent rencontrer
les petites entreprises et de renforcer les relations de ces dernières
avec l’ANPE.
C’est pourquoi l’existence
de telles conventions pourra, comme le dépôt des offres, servir de base
à l’appréciation des circonstances justifiant le maintien des aides.
Par exemple la convention peut prévoir qu’une personne est chargée de
recenser les difficultés de recrutement et de représenter la profession
auprès de l’ANPE pour contribuer à les résoudre
Les dispositions contenues
dans ces conventions, accords cadres ou plans d’action ont notamment
pour objet d’effectuer un constat partagé de la réalité et de l’ampleur
des difficultés de recrutement auxquelles les entreprises sont confrontées.
A ce titre, elles doivent vous permettre, sur la base d’éléments objectifs,
de vous prononcer sur l’opportunité d’un maintien des aides ou allègements.
Au niveau des branches
comme des entreprises concernées, la prise en considération de ces difficultés
doit être l’occasion d’un examen des durées du travail réelles en vue
d’une réorganisation appropriée du temps de travail.
L’analyse des circonstances
et l’appréciation de l’opportunité du maintien des aides devra prendre
en compte aussi la situation des entreprises concernées au regard du
respect de leurs obligations légales et conventionnelles en matière
sociale (salaires minima, conditions de travail...)
Vous veillerez en outre
à ce que la profession prenne, au sein de la convention, des engagements
visant à favoriser l’attractivité des emplois par l’amélioration des
conditions d’emploi et de travail et l’évolution des pratiques de recrutement.
Dans cet esprit il importe
que les organisations syndicales représentatives des professions concernées,
au niveau considéré, soient informées de l’existence, des objectifs
et des moyens des conventions et associées à leur suivi.
Les conventions doivent
également associer étroitement les différentes composantes du service
public de l’emploi, la mobilisation de tous les partenaires locaux étant
en effet nécessaire pour qu’une action efficace en matière de lutte
contre les difficultés de recrutement soit menée.
Les conventions doivent
être conclues pour une durée maximale de deux ans, afin de permettre
la prise d’engagements réalistes sur une même durée que celle de la
période transitoire pour l’application de la réglementation relative
aux heures supplémentaires.
Ces éléments doivent
vous permettre de prendre pleinement connaissance de la portée de ces
nouvelles mesures et de disposer ainsi de l’information qui vous est
nécessaire auprès des petites entreprises, eu égard à l’importance de
l’enjeu des 35 heures pour ce nouveau public au 1 er janvier prochain.
Vous avez fait preuve
d’une très forte mobilisation pour l’élaboration des plans d’actions
relatifs au passage aux 35 heures des entreprises de 20 salariés et
moins.
La présentation de ces
nouvelles mesures pour les petites entreprises doit s’inscrire pleinement
dans le cadre des actions que vous menez dès aujourd’hui dans vos régions
et départements.
Le directeur des relations du travail
Jean-Denis COMBREXELLE
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La déléguée générale à l’emploi et à la formation professionnelle
Catherine BARBAROUX
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Le directeur de la sécurité sociale
Pierre-Louis BRAS
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