MODIFICATION CONTRACTUELLE

La Cour de cassation ne distingue plus entre

 " modification substantielle " 

ou  " non substantielle "

 

mais entre :

1/

modification du contrat de travail, qui nécessite l’accord du salarié...

 

 

2/

changement des conditions de travail, qui peut être imposé au salarié et qui relève du pouvoir de direction du chef d'entreprise

1/ Viole les articles 1134 du Code civil, L. 122-6 et L. 122-8 du Code du travail, une cour d'appel qui décide qu'un salarié commet un acte d'insubordination constitutif d'une faute grave en refusant une limitation de ses objectifs de chiffre d'affaires, alors que l'instauration d'un quota maximum non prévu au contrat de travail était de nature à avoir une incidence sur la rémunération du salarié et constituait une modification du contrat de travail.

Cass. Soc. 18/07/2000 M. Ramond c/ Société Doc The Original

le mode de rémunération d’un salarié constitue un élément du contrat de travail " ne pouvant être modifié, même de façon minime, sans l’accord du salarié... quand bien même le nouveau mode se révélerait plus avantageux pour le salarié

Cass. Soc. 28/01/98  Systia ; 03/03/98 Herzberg c/Bata ; 19/05/98 Giovanini

la réduction de la durée du travail et de la rémunération d’un salarié à temps partiel constitue une modification du contrat de travail

Cass. Soc. 10/03/98 Naegel c/Promaco ; 07/07/98 chaussures Groupe André c/Loiseau

une mutation géographique constitue une modification du contrat de travail, à défaut de clause de mobilité insérée dans le contrat de travail

Cass. Soc. 07/01/98 Sté l’Union c/Zerroug ; 02/04/98 Sté Serfaty c/Fassier

2/ un employeur ne peut être condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu’ait été recherché si le changement d’horaire constituait ou non une modification du contrat

Cass. Soc. 08/07/98 clinique chirurgicale Pasteur

le refus du salarié d’accepter un changement dans ses conditions de travail constitue une faute car, " dans l’exercice de son pouvoir de direction, l’employeur peut prendre toute mesure justifiée par l’intérêt de l’entreprise, notamment en vue d’une meilleure organisation de ses services "

Cass. Soc. 2/02/98 SNCF c/Jury

MODIFICATION - SIMPLE CHANGEMENT DES CONDITIONS DE TRAVAIL - Refus du salarié - Conséquences - notion de faute

Le refus du salarié est fautif, mais le degré de gravité n'est pas systématique

1) CASS. Soc. 17/10/2000 Mme Ancey c/Clinique Sainte-Marie pourvoi n° P 98-42.264 arrêt n° 3609 FS-P+B

 

2) CASS. Soc. 17/10/2000 Mme Durandal c/association Ladapt pourvoi n° U 98-42.177 arrêt n° 4096 FS P+B

 

3)Cass.soc. 27/06/01 n°99-42.462

1) à défaut d'une clause contractuelle expresse excluant le travail du samedi, l'employeur, en demandant aux salariés de travailler ce jour ouvrable, fait usage de son pouvoir de direction ; que, si le refus de la salariée de poursuivre l'exécution du contrat en raison non d'une modification du contrat mais d'un simple changement des conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction était fautif et rendait la salariée responsable de l'inexécution du préavis qu'elle refusait d'exécuter aux nouvelles conditions, ce refus n'était pas constitutif d'une faute grave, dès lors que la salariée avait une ancienneté de 19 années pendant lesquelles elle avait disposé librement du samedi matin ; Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE

2) si le refus de la salariée de poursuivre l'exécution du contrat en raison, non d'une modification du contrat mais d'un simple changement des conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice du pouvoir de direction est fautif et rend la salariée responsable de l'inexécution du préavis qu'elle refuse d'exécuter aux nouvelles conditions, le refus n'est pas constitutif d'une faute grave alors que le nouvel horaire imposait à la salariée d'être présente à l'heure du déjeuner dont elle pouvait disposer précédemment, ce qui lui permettait de s'occuper de ses enfants d'âge scolaire ; Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS : CASSE

3) Informé par l'employeur qu'il devait travailler le samedi matin au lieu du lundi matin, un salarié refuse et est licencié pour faute grave. Pour le salarié, cette modification remet en cause la pratique du repos le samedi matin non prévue initialement par le contrat de travail, mais dont le salarié bénéficiait sans discontinuer depuis son entrée dans l'entreprise. La Cour de cassation ne retient pas cette argumentation : " attendu, cependant, qu'à défaut de clause contractuelle excluant le travail du samedi, l'employeur, en changeant l'horaire et en demandant aux salariés de travailler le samedi matin , jour ouvrable , au lieu du lundi matin, fait usage de son pouvoir de direction ".

MODIFICATION - SIMPLE CHANGEMENT DES CONDITIONS DE TRAVAIL

Cass. soc.10/05/99 sté Hortifruit c/Mme Egouy

Attendu, cependant, que l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d'un salarié; que la circonstance de la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu'il effectuait antérieurement, dès l'instant où elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, et alors qu'elle ne retient pas que la mesure prise par l'employeur correspondrait à une discrimination prohibée ou à une sanction injustifiée, la courd'appel a violé le texte susvisé ;

MODIFICATION HORAIRES

La modification des horaires de travail reste soumise à un contrôle subjectif

Cass. Soc. 12/07/99 Chartier c/Sté Ulysse n° 97-43.045

La modification introduisant une coupure de plusieurs heures dans la journée de travail et instituant des horaires variant chaque semaine sur un cycle de 5 semaines ne se borne pas à un simple changement d'horaire relevant du pouvoir de direction de l'employeur, mais institue le passage d'un horaire fixe à un horaire variable et constitue en conséquence une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser.

Cass. Soc. 14/11/00 Sté Petit et cie c/Mme Buisine n° 98-43.218

Ne peut être considérée comme une modification du contrat de travail compte tenu de l'absence de caractère contractuel de tout horaire fixe, le passage d'un horaire de nuit à un horaire de jour, car l'entreprise était ouverte 24H/24 et les salariés travaillaient depuis longtemps par roulement sans horaire fixe.

Le changement des horaires ou des jours de travail ne peut ainsi constituer une modification du contrat de travail que si ces éléments ont été déterminants lors de la conclusion du contrat ;

le caractère essentiel peut résulter d'une clause du contrat, par exemple dans le cas notamment des salariés à temps partiel dont le contrat doit obligatoirement mentionner la répartition des horaires de travail.

Par ailleurs, le caractère contractuel peut également résulter de la preuve que l'horaire de travail a été déterminant dans l'accord du salarié compte tenu notamment de la nature de son emploi, de sa qualification ou de sa situation personnelle.

Ainsi, la modification des horaires imposée par l'employeur constitue une modification du contrat de travail si le salarié démontre…

  • que l'horaire était déterminant parce que compatible avec les sujétions imposées par la maladie chronique de son enfant (C.A. Paris 21è ch. 14/02/96 n° 95/30472 Vitat c/Graindorge)
  • ou que la nouvelle répartition des horaires oblige une mère célibataire, serveuse dans un restaurant, à travailler le dimanche soit (Cass. Soc. 3/0394 n° 90-43.655).

MODIFICATION HORAIRES - CHANGEMENT DES CONDITIONS DE TRAVAIL -

Cass. soc. 22/02/2000 n° 97-44.339 Felmann c./Cabinet de pneumologie des docteurs Lacroix, Darneau, Ravier et Lombard

" Le changement d'horaire consistant dans une nouvelle répartition de l'horaire au sein de la journée, alors que la durée du travail et la rémunération restent identiques, constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction du chef d'entreprise et non une modification du contrat de travail ".

MODIFICATION HORAIRES - TEMPS PARTIEL

Proposition se bornant à indiquer que les heures de début et de fin de travail étaient susceptibles de variation. Licenciement consécutif au refus d'une salariée de signer l'avenant. Cause réelle et sérieuse (non)

Cass. Soc. 7/12/99 n° 4826 P SA Grands magasins Galeries Lafayette c/ Anne-Marie Lanta

La répartition du travail à temps partiel, telle qu'elle doit être prévue, en application de l'article L.212-4-3 CT, constitue un élément du contrat qui ne peut être modifié sans l'accord du salarié.

Une clause du contrat ne peut valablement permettre à l'employeur de modifier l'horaire convenu qu'à la double condition :

  • d'une part, de la détermination par le contrat de la variation possible,
  • d'autre part de l'énonciation des cas dans lesquels cette modification pourra intervenir.

C'est à bon droit qu'une cour d'appel, ayant constaté que le contrat d'une salariée prévoyait un horaire de six jours par semaine durant cinq heures par jour, a pu décider que le changement d'horaires proposé par l'employeur constituait une modification du contrat, que la clause contractuelle qui se bornait à indiquer que les heures de début et de fin de travail étaient susceptibles de variation ne correspondait pas aux prévisions de la loi et que, dès lors, le licenciement consécutif au refus de la salariée de signer un avenant au contrat de travail était sans cause réelle et sérieuse.

MODIFICATION

CHANGEMENT DES CONDITIONS DE LIEU - TRAVAIL à DOMICILE

 

un salarié n'est pas tenu d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail

 

Cass. soc. 02/10/01 n° 99-42.727 Abram c/ SA Zurich assurances

Suite à la fermeture de ses locaux, une compagnie d'assurance a invité l'un de ses salariés à équiper son domicile pour y traiter ses communications professionnelles et y détenir des dossiers. N'obtenant aucun dédommagement de la société, le salarié a mis fin à ses relations contractuelles de travail, en raison de la modification unilatérale apportée à son contrat de travail. Il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant au paiement de diverses indemnités de rupture.

Selon la Cour de cassation, « l'ordre donné au salarié d'installer à son domicile personnel un téléphone professionnel et des dossiers, constitue une modification unilatérale de son contrat de travail ».

Même si la mise à disposition du salarié d'un bureau dans les locaux de la société n'était pas prévue expressément dans le contrat de travail, l'ordre de s'installer à son domicile ne pouvait qu'être retenu comme une modification du contrat. L'employeur n'opérait pas seulement un changement de lieu de travail, mais bouleversait les modalités d'exécution du contrat de travail en portant de surcroît atteinte à la vie privée de son salarié...

« le salarié n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail ».

Pour souligner l'importance de sa décision, la haute juridiction a rendu son arrêt sous le visa des articles 9 du Code civil et L. 120-2 du Code du travail. À savoir : « chacun a droit au respect de sa vie privée » et « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » .

MODIFICATION

CHANGEMENT OCCASIONNEL - mobilité non prévue au contrat - spécificité des fonctions du salarié

 

certains salariés peuvent être tenus d'accepter une modification provisoire, même en l'absence de clause contractuelle

 

 

Cass. soc. 22/01/03 n° 00-43.826 arrêt n° 177

Sté travaux hydrauliques et bâtiments (THB) SNC c/M. Antoine X

"...M. X... a été embauché par la société Travaux hydrauliques et bâtiments à compter du 22 février 1982 en qualité de chef de chantier ; que son contrat à durée indéterminée ne comportait aucune mention du lieu de travail ni aucune clause de mobilité ; que le salarié a été promu chef de chantier principal puis maître compagnon, ayant le statut de cadre ; qu'ayant refusé de se rendre, pour une durée de deux mois, sur un chantier éloigné de la région toulousaine où il travaillait habituellement, il a été licencié pour faute grave par lettre du 22 septembre 1997 ; que contestant cette mesure, il a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement de diverses sommes au titre de la rupture du contrat de travail ;

Attendu que pour dire que le licenciement ne reposait ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à payer au salarié différentes sommes au titre de la rupture du contrat de travail, la cour d'appel, après avoir rappelé que son contrat ne comportait pas de clause de mobilité et que, depuis une dizaine d'années, son secteur d'activité était la région proche de Toulouse, retient que son affectation sur un chantier situé à plus de 300 kilomètres de cette ville constituait pour l'intéressé un changement de secteur géographique et par là même une modification de son contrat de travail nécessitant son consentement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification de son contrat de travail dès lors que la mission est justifiée par l'intérêt de l'entreprise et que la spécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen et sur le second moyen : CASSE "

MODIFICATION CONTRACTUELLE - PROPOSITION - INCIDENCE FORME de la REPONSE du SALARIE

Réponse dilatoire ou conditionnelle du salarié

CASS. Avis n° 10 du 6 juillet 1998

La demande de délai de réflexion supplémentaire, formulée par le salarié dans le délai d'un mois suivant la lettre visée à l'alinéa 1er de l'article L 321-1-2 du Code du travail, peut-elle ou doit-elle être assimilée à une " réponse ", au sens de l'alinéa 3 du même texte ?

Dans ce cas, quelle en est la nature : refus ou acceptation de la modification substantielle envisagée ? Seule une réponse expresse et positive, ou le silence gardé par le salarié pendant plus d'un mois, vaut acceptation de la modification proposée par l'employeur pour l'application de l'article L 321-1-2 du Code du travail ; dès lors une réponse dilatoire ou conditionnelle, telle qu'une demande de prorogation, constitue une réponse négative.

MODIFICATION CONTRACTUELLE - LICENCIEMENT - motivation

Cass. soc. 8/06/99 nº 98-40.789 nº 2630 D

 

Cass. soc. 20/10/98 Mme Bonimond c/sté Petit Bateau

La lettre de licenciement doit énoncer les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la restructuration de l'entreprise entraînant la transformation, la suppression de l'emploi ou la modification du contrat de travail.

Cette motivation est nécessaire même dans l'hypothèse où le licenciement économique est justifié par le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail.

A défaut, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

..." le refus d'une modification du contrat de travail ne constituait pas une cause de licenciement et qu'il lui appartenait de rechercher si, comme la salariée l'affirmait dans ses conclusions, l'employeur n'avait pas omis d'énoncer dans la lettre de licenciement du 27 mai 1992, les motifs rendant, selon lui, nécessaire l'augmentation de la durée hebdomadaire de son travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; "

MODIFICATION - SANCTION DISCIPLINAIRE

Refus du salarié - prononcé d'une autre sanction, aux lieu et place de la sanction refusée

Cass. Soc. 16/06/98 Sarl Hôtel Le Berry c/Mme Khouhli

Pour condamner l'employeur à payer à la salariée une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel avait énoncé que la rétrogradation prononcée le 20 avril 1994, après un entretien préalable et au motif de griefs constitutifs de fautes, constituait une sanction disciplinaire et qu'il s'ensuivait que les griefs ainsi déjà sanctionnés, à l'égard desquels l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire, ne pouvaient plus être invoqués à l'appui du licenciement… il était donc inutile d'en examiner la réalité et la gravité.

En statuant ainsi, alors qu'elle relève, par ailleurs, que Mme Khouhli avait refusé la modification de son contrat de travail et qu'il lui appartenait, dès lors, d'examiner si les faits invoqués par l'employeur constituaient une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; par ces motifs casse

MODIFICATION - SITUATION JURIDIQUE DE L'EMPLOYEUR

Illustration de l'application de l'article L. 122-12 du CT à la reprise d'un fonds de commerce

Cass. soc.13/04/99 n° 97-41.450 sté Casino c/ Chazaud

L'article L.122-12, alinéa 2, du Code du travail s'applique même en l'absence d'un lien de droit entre les employeurs successifs, à tout transfert d'une entité économique conservant son identité dont l'activité est poursuivie ou reprise (Cass. Ass. plén. 16/03/90 n° 86-40.686).

La Cour de cassation vient de donner une illustration de ce principe à propos de l'exploitation d'un supermarché. En l'espèce, une société, qui exploite 3 fonds de commerce de supermarché, est mise en redressement judiciaire. Le plan de redressement prévoit la cession de deux fonds de commerce. La société Casino reprend en location les locaux du dernier magasin, auprès du bailleur, magasin qu'elle rouvre quelques mois plus tard.

La Cour d'appel, approuvée par la Cour de cassation, décide que l'article L.122-12 doit recevoir application malgré les arguments de la société Casino qui faisait valoir qu'elle n'avait eu de rapports contractuels qu'avec son bailleur qui s'était engagé à mettre à sa disposition des locaux libérés. En effet, la Cour d'appel a pu constater que l'exploitation d'un fonds de commerce, non compris dans une cession, a été reprise par Casino dans les mêmes locaux et avec la même clientèle. Ceci caractérise le transfert d'une entité économique constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre : la société Casino aurait dû reprendre les contrats de travail des salariés affectés au fonds qu'elle avait repris.